La Grande salle des Chefs, pavée de marbre blanc et noir, trembla. L'immense porte d'entrée de chêne s'ouvrit brutalement et Jesus entra, son armure de guerre, habituellement étincelante, était couverte d'éclaboussures de sang, de quelques morceaux de chair fraîchement taillés et de boue. Il tenait dans sa main droite gantée son épée, Kylax, qui à l'image de son porteur était couverte de sang et de son autre main un imposant épieux au bout duquel se trouvait une tête coupée net, par une arme dont la lame était parfaitement aiguisée ; il ne faisait aucun doute que c'était celle de Jesus. Ce dernier était entouré de son fidèle ami WeezyFolka (qui malgré son titre avait perdu maints combats d'entraînement face à son chef) et de quelques gardes de son armée personnelle. Dans la grande salle, tous étaient immobiles, muets de stupéfaction.
« Je vais vous contez la guerre qui nous poussa à crée la guilde. »
Après les vingt années de règne du soldat proclamé roi, celui-ci fut tombé sous l'emprise du roi Lichus l'impur et ce dernier se servait de la fiole pour réduire Téos à l'esclavage...
Vint alors l'âge du Ragnarök, le chaos régnait en maître sur la terre les humains n'étaient pas assez nombreux, les Elfes pas assez puissant et les Nordeins trop avides de richesses pour s'occuper de la destinée des peuples. Ils régnaient dans les montagnes et dominaient les souterrains...
Cependant, une dernière bataille entre l'Alliance de la Lumière et celle des Ténèbres devait décider de la race qui serait supérieur sur Téos, les Humains, les Elfes s'affrontèrent sans relâche contre les Nordeins et les Vials dans une ultime bataille : l'Alliance des Ténèbres largement inférieure en nombre décida de combattre devant leur forteresse, le Château Dasyatis...
Il retira son heaume. Son visage mutilé par les bourreaux de l'Inquisition rappelait à chacun le sens de son combat. Il traversa les premiers rangs pour se porter à hauteur des derniers soldats des Ténèbres qui s'étaient rassemblés à l'entrée du passage central. Ces seize guerriers-animiste, dont les robes rouges pendaient en lambeaux sur leurs armures, s'agenouillèrent devant leur chef pour recevoir sa bénédiction.
Puis, Jésus les releva pour une dernière accolade et s'adressa ses troupes :
« Aujourd'hui, j'ai vu ce que peu d'hommes avant moi ont vu. J'ai vu de vrais guerriers, j'ai vu des braves. Et mon cœur saigne à l'idée de vous perdre. Avoir pu me battre à vos côtés fut un honneur et une fierté. Là, devant moi, je ne vois que des justes, et aux justes Merin accorde sa grâce. Cette porte qui nous sépare de nos frères ne peut être ouverte. Par la force, et par la magie Théurgique, nous allons condamner cette porte et sceller ces passages que nous avons vaillamment défendus. J'ai confié cette tâche à nos frères inquisiteurs qui considèrent ce sacrifice comme un devoir. Mais avant que la colère de Merin ne s'abatte, vous, soldats, vous allez venir avec moi. Nous allons tenter une percée. Vous n'êtes pas plus de deux cents, mais vous êtes ceux dont Merin ne veut pas le sacrifice. Peu d'entre vous échapperont à la cruauté dévastatrice de la Lumière mais, même s'il en fallait qu'un seul pour raconter un jour votre combat, cette ultime percée aura un sens. Je vais vous mener une dernière fois au combat. Nous allons traverser ces contreforts comme une bourrasque. Ceux qui survivront et qui parviendront à s'échapper se disperseront et feront tout ce qui est en leur pouvoir pour survivre. Je veux dédier cette percée à vos futurs enfants, qu'elle en soit l'acte fondateur. Au nom de Merin et de l'Alliance des Ténèbres. »
Il avait répondu à l'appel de Kyllion. Le Jeune sans l'ombre d'une hésitation et attendu l'aurore pour quitter son château en compagnie de ses gardes personnels, portant avec lui le souvenir d'une nuit fiévreuse dans les bras de sa femme, Scylène d'Orianthe.
A présent il lui incombait de mener les hérauts de justice à la victoire. La Porte des Audaces s'ouvrit.
Au-delà s'étendait une marée fangeuse, animée de lents remous au parfum de charogne. Un bref instant, l'immense fracas de la bataille fit reculer les chevaux, mais un son familier s'élevait déjà dans les rangs des Guerriers des Ténèbres. Un musicien s'était dressé sur sa selle pour sonner le cor et conduire la charge.
La colonne s'ébranla. Très vite, les sabots glissèrent sur les cadavres enchevêtrés vomis par l'ouverture de la porte et empêchèrent les chevaux de donner à leur charge l'élan et la puissance nécessaires pour s'enfoncer profondément dans les lignes ennemies. Néanmoins, les Combattants et les Mages qui affluaient en nombre sur le flanc de la Grise furent balayés dans les premières secondes, conduits par les plus illustres cavaliers des Apôtres, les chevaux galopaient droit devant eux dans le sillage du baron d'Orianthe et de son porte-étendard.
Jesus et ses guerriers combattaient avec la puissance de Merin leur Dieu mais, ils n'étaient plus qu'une dizaine de guerriers. Cependant, grâce à l'intervention du baron d'Orianthe, la Lumière battit en retraite et l'Alliance des Ténèbres remporta une victoire décisive...
Une clameur salua son discours. Les hommes se redressèrent tant bien que mal et formèrent une longue colonne dans l'axe du passage central.
La torche haute, les guerriers formèrent spontanément une haie d'honneur sous la voûte basse de l'entrée et saluèrent le lent défilé des Guerriers, des Animistes et des Chasseurs qui reprenaient déjà en chœur le cantique entonné d'une voix claire par Jésus.
Plus loin de l'autre côté du Château, le Dragan d'Orianthe s'apprêtait à charger les Guerriers à l'aide de sa cavalerie, son visage buriné affichait une expression indéchiffrable. Daryon, porte-étendard et ami, éprouvait une inquiétude croissante. Lui qui d'ordinaire se fiait à la lueur ardente qui brillaient dans les yeux de son maître pour chevaucher sans crainte à ses côtés ne décelant que le doute dans les deux flaques, couleur bleu nuit, ombrées par d'épais sourcils. Se pouvait-il que le Miséricordieux ne croit pas à cette charge mandatée par le commandeur Kyllion ?
Quelques temps après, sous le ciel cendré, ils se réunirent sous une même bannière. Prononçant un serment qui ferait date, se promettant une entraide sans limite, une bravoure sans faille, les Apôtres du Mal naquit ainsi dans l'épreuve et la douleur. Ayant connu les pires souffrances, ombres d'une époque révolue, le courage serait leur arme, le sacrifice leur destin. Nulle femme, nulle richesse ne les empêcheraient de servir la Guilde.
Se rendant compte que leurs convictions et desseins guidaient leurs pas en harmonie, ils décidèrent d'agrandir leur alliance et de permettre à d'autres personnes de s'y joindre. Conscient de la dureté de la vie du Mal, ils n'acceptèrent qu'après longue réflexion de nommer des postulants comme Apôtres à part entière. Nombreux furent ceux qui abandonnèrent sur le chemin de la reconnaissance, préférant rejoindre une autre guilde de rang moins prestigieux. Tel était le prix du Mal : Sang et abnégation, craintes et tourments.
Malgré de tels critères, plusieurs valeureux personnages se reconnaissant dans les préceptes de l'alliance demandèrent leur intégration comme membres des Apôtres du Mal et furent acceptés. Tous avaient en commun un goût pour le mystère, écran de fumée autour d'actions inavouables et ils furent rapidement craints au même titre que leurs aînés. Pour les membres de la Guilde, le Mal représente un côté sombre, négatif, mais empreint de justice et de valeurs communes, tant de choses qui font la force de cette alliance et lui permettent de perdurer dans le temps !
Ainsi fut résumé le Premier Serment de la Guilde dans les archives impériales et durant de nombreuses années ses puissants guerriers laissèrent parler leurs talents. Mais vint le jour où la danse des lames se ralentit, où le son des tambours se tut. En effet là où nul n'avait réussi à défaire ce que la Guilde avait fait, c'est l'implacable horloge du temps qui vint à bout de l'antique alliance. Les guerriers étaient las, nombreux furent ceux à ranger les armes derrière leur illustre chef, certains parcoururent encore durant quelques temps les champs de bataille de la Contrée, mais eux aussi finirent par disparaître dans les Abysses.
L'histoire devînt légende, la légende devint un mythe. Mais doucement, dans la noirceur des débris, des ruines et des puissances de jadis, dans les terres dont on avait oublié le nom, prenait naissance un évènement que nul ne pouvait prévoir, mais que tous allaient regretter. Pour certains, un pèlerinage. Pour d'autres, une rencontre hasardeuse. Devant les ruines de leurs ancêtres, devant les restes de leurs frères d'armes, un nouveau serment fut forgé. Une flamme ralluma leurs corps, un souffle ranima leurs esprits . Parmi ceux-ci, peu distinguèrent deux formes usées par leur temps. Ainsi, au Deuxième Serment de la Confrérie, deux témoins du premier âge furent présents: posant leurs mains, ils firent promettre les nouveaux Apôtres à la manière de jadis : "La Guilde est Une. Par ce serment, à jamais vous la servirez. Pour elle, vous verserez le sang. Pour elle, vous offrirez votre vie. À la bravoure répondra l'honneur, au dévouement la confiance, à la trahison...la mort."
KogSensei